vsans illusion, mais votez le 3 novembre 2020 (opinion)


Épître aux Haïtiano-Étasuniens

  • vsans illusion, mais votez le 3 novembre 2020 (opinion)
  • par Henri Piquion
  • 26 septembre 2020

Dans un mois vous allez exercer votre droit, certains diront votre devoir, de voter aux élections du 3 novembre 2020 dans le pays dont vous êtes citoyens. Plusieurs postes seront à combler dont plusieurs sièges du sénat et celui du président des ÉUA. Il y a 4 ans, en novembre 2016, vous avez plus qu’auparavant manifesté de l’intérêt pour ces élections. Un intérêt fait d’angoisses et de peu d’espoirs. Aucun d’entre vous n’a cru qu’il serait en paix avec sa conscience patriotique en votant Hilary Clinton ou Donald Trump. Aucun des deux candidats à la présidence, et plusieurs des candidats aux autres postes ne méritaient votre voix. Mais comme les élections ne se décident pas à pile ou face et qu’il fallait le faire, vous avez voté quand même, vous avez voté les yeux fermés en espérant que celui qui avait eu votre voix ne serait pas élu.

Aux élections à venir vous n’aurez pas à choisir entre une femme à la moralité politique douteuse, pour ne pas en dire plus, et un arrogant incompétent à l’immoralité affirmée. Vous aurez à choisir entre celui dont vous n’auriez pas pu vouloir en 2016, mais qui a quand même été élu et Joe Biden qui a été le Vice-Président de Barack Obama. Vous aurez à choisir, d’une part, entre un raciste dont les ascendants étaient membres actifs du Ku Klux Klan, un raciste qui défend ouvertement l’idéologie des néonazis et des petits blancs miliciens qui affirment la supériorité biologique des blancs et font violence pour établir leur suprématie dans le pays, et d’autre part, un homme d’État qu’on ne peut pas accuser d’avoir jamais fait la promotion de la discrimination raciale et d’avoir revendiqué le droit pour un groupe ethnique ou culturel de dominer l’ensemble de la société. Vous aurez à choisir entre, d’une part, Joe Biden, partisan du multilatéralisme et du consensus, et en face de lui un aryen narcissique qui croit encore en la pureté des races et se demande si vous avez une âme pour vous différencier au pire de la chaise, au mieux du chien. Pour Donald Trump et la grande majorité des Américains de l’Amérique profonde (démocrates et républicains) vous ne serez jamais américains, au moins avant quatre ou cinq générations, même si vous avez la citoyenneté du pays et que vous êtes partis au Vietnam, en Iraq, dans la minuscule île de Grenade ou même en Haïti assassiner pour la grandeur des États-Unis d’Amérique. Pour eux Barak Obama et Kamala Harris n’ont jamais été et ne seront jamais américains. Dans ce pays Obama sera à jamais le fils d’un Africain et Harris la fille d’une Indienne et  d’un Jamaïcain. L’Américain se définit par ces quatre lettres WASP (White Anglo Saxon and Protestant). En l’occurrence même John F. Kennedy, fils d’un immigrant irlandais en plus d’être catholique et Joe Biden catholique lui aussi ne sont pas Américains pour un électeur de Trump.

Vous non plus, ne l’oubliez pas! Vous êtes et serez pendant très longtemps encore des Haïtiens, à la fois de nationalité et de citoyenneté haïtiennes!

Ne vous y trompez pas. Trump ou Biden, celui qui sera élu deviendra le 20 janvier 2021 le Président des États-Unis d’Amérique, un individu qui pourrait, même par caprice ou pour replacer un assassin dans le bureau d’où le peuple l’avait chassé, envahir notre pays avec vingt-trois mille soldats et des milliers de tonnes de quincaillerie mortifère au coût de 3 milliards de dollars. Trump ou Biden! Ils se distingueront en matière de politique intérieure s’il s’agit du tracé d’un gazoduc, des soins de santé aux citoyens ou de la détaxation des riches, mais ils auront les mêmes discours et les mêmes conduites et les mêmes réflexes quand il s’agira d’aller bombarder ou d’envahir un petit pays désarmé ou encore d’encourager le génocide des Palestiniens.

Trump ou Biden! Bonnet blanc et blanc bonnet! Oui! Mais pas tout à fait. Nous savons déjà que, même s’il le pense, Biden ne dira jamais de nous, assis dans son bureau, qu’Haïti est un « shithole country ». Les journalistes et les commentateurs ont proposé plusieurs équivalents parfumés à ce terme pour ne pas employer le seul mot qui en français comme en créole correspond à la pensée de Donald Trump. « Haïti est une latrine! » Voilà ce que l’actuel président des ÉUA Donald Trump pense de nous. Il pense que nous sommes des « ravèt », pas des cafards ou des coquerelles, ces mots sont trop littéraires, même pas des rats, non, nous sommes des « ravèt ». Si vous ne trouvez aucune bonne raison de voter pour Joe Biden, votez contre Trump pour sortir de cette latrine respirer l’air du respect que l’univers entier vous doit pour avoir le premier déclaré un jour qu’un homme ne sera plus jamais l’esclave d’un autre homme. Un homme qui veut la liberté pour d’autres hommes, d’où qu’ils soient, ne sera jamais une « ravèt » et son pays ne sera jamais un  « shithole country ». Votre vote pour Biden sera le langage le plus digne que puissiez trouver pour réaffirmer cette réalité qui n’est pas qu’une réalité figée dans le passé, mais un projet d’humanité et de dignité. Votre vote pour Biden sera peut-être votre premier pas vers la reprise en main d’Haïti, le seul pays qui soit le vôtre, abandonné depuis trop longtemps à des antipatriotes qui sont passés du statut de petits cagoulards qui se promenaient la nuit en DKW pour faire peur aux voisins à celui de gangs criminels, d’assassins, de kidnappeurs, de voleurs, de violeurs qui se promènent à motocyclettes en plein midi armés d’armes de guerre, pas pour faire peur, mais pour tuer.

Aux élections du 3 novembre, vous aurez à choisir entre la probabilité très américaine de vous faire assassiner en pleine rue, en plein jour par un policier blanc ou un passant; entre l’angoisse permanente que votre fils noir de 17 ans soit condamné à mort au Texas pour un crime qui n’est pas prouvé. Entre ces probabilités qui sont plus que théoriques avec Donald Trump et la possibilité calculée que Joe Biden expulse vers Haïti des compatriotes sans papiers pour donner des gages aux chômeurs de son pays, vous choisirez de voter le 3 novembre en pensant à ce garçon de 17 ans qui est encore à naître, qui sera votre fils, votre neveu ou celui de votre ami d’enfance. En votant Trump le 3 novembre vous augmenterez la probabilité de son assassinat criminel ou légal. En votant pour Joe Biden vous diminuerez radicalement la possibilité que son nom, le vôtre, s’ajoute à la très longue liste de suppliciés dont nous ne retiendrons que ceux de notre frère George Floyd et de notre sœur Breonna Taylor. Vous voterez pour Joe Biden pour que justice soit rendue aujourd’hui afin que votre famille et vous puissiez en jouir demain, car vous êtes appelés à vivre dans ce pays.

Il y a mille raisons de voter pour Joe Biden et plus encore de voter contre Donald Trump, Il y a sa lâcheté de Chef qui refuse de reconnaître ses responsabilités dans les échecs où il a conduit son pays et ses concitoyens. Il y a l’inhumanité avec laquelle il enferme des enfants de tous les âges dans des camps de concentration après les avoir séparés de leurs parents. Il y a sa pauvreté intellectuelle qui l’empêche de comprendre que l’environnement est un enjeu majeur pour le monde et qu’un virus n’attend pas qu’il fasse chaud pour s’en aller ailleurs. Il y a son arrogance de dictateur qui s’est trompé de pays et d’époque qui le fait gouverner en contournant les institutions par des « executive orders » ou en envoyant des soldats dans les villes de son propre pays. Il y a ses mensonges, ses nombreux mensonges, son amour du mensonge, son esthétique du mensonge qui font du Président des États-Unis d’Amérique un président menteur. Il ne manque pas de raisons pour voter contre Trump. Certaines s’appellent la Chine, la Corée, Cuba, l’Iran, la Palestine, la Russie, la Syrie, le Venezuela, le Yemen, l’OMS, les plus de 200 000 morts de la Covid-19 et tous les Haïtiens refoulés vers Haïti en pleine pandémie. S’il vous en faut d’autres, comparez le nombre de chômeurs qu’il y avait en janvier 2016 à celui d’aujourd’hui; mesurer l’écart qui s’est considérablement agrandi entre la fortune des milliardaires devenus 4 – 5 fois plus riches depuis 2 ans et la grande pauvreté des très pauvres, plus pauvres qu’il y a 4 ans, plus nombreux qu’il y a 4 ans à se lever avant le jour pour prendre place dans la file de la soupe populaire et du panier de provisions. Combien d’Haïtiens y a-t-il dans cette file aujourd’hui à un mois des élections, et combien y en avait-il il y a 4 ans à un mois des élections? Oublions les autres pour ne penser qu’à nous. Combien d’Haïtiens y a-t-il dans cette file aujourd’hui à un mois des élections, et combien y en avait-il il y a 4 ans à un mois des élections? S’il vous faut d’autres raisons de voter pour Biden, au moins contentez-vous de celles-là et votez contre Trump.

Mais la raison la plus intime pour laquelle VOUS, Haïtiens ayant la citoyenneté des États-Unis, allez voter pour Joe Biden est qu’en votant Trump vous ne pourrez pas regarder vos femmes et vos enfants dans les yeux dès le 4 novembre 2020 et leur dire que vous les aimez. Dans l’isoloir où vous allez déposer votre bulletin de vote, pensez au regard de désespoir et aussi de mépris qu’ils auront pour l’électeur de Trump, par ailleurs leur père et protecteur.

Votez pour vous, pour vos épouses et vos enfants qui n’ont plus d’assurance maladie (le Trumpcare n’est pas pour demain.) Votez pour Haïti votre pays d’hier, d’aujourd’hui, de demain et de toujours qui, rêve de déclarer une fois de plus au monde entier qu’il n’est pas une latrine et que vous n’êtes pas des « ravèt », qu’il est la terre qui a vaincu l’esclavage et proclamé la liberté pour tous les hommes, d’où qu’ils soient; votez pour les États-Unis d’Amérique, cet immense pays qui a déjà été un grand pays, et qui régresse de plus en plus vers la croyance pré-civilisationnelle que l’animal le plus fort est nécessairement le plus intelligent; votez pour le monde, pour la planète, dont la survie physique et d’abord morale est aujourd’hui menacée par l’atomisation culturelle et les rivalités nationales. Le 3 novembre 2020, vous allez voter dans l’histoire en réaffirmant votre contribution à l’évolution morale et  politique de l’humanité. Vous allez aussi voter pour l’histoire en revendiquant, même si rien n’en apparaitra en surface, votre droit non négociable à une vie humaine et en engageant votre pays et vous-mêmes sur le chemin du droit et de la solidarité.